(la première partie de cet article est ici)
- Collusion UMP-PS : L’absence des députés UMP a permis le vote de la loi
Rasséréné, le gouvernement pouvait passer à l’attaque pour imposer, par un vote des députés, la fusion aux Alsaciens. Pour rester crédibles, les élus UMP alsaciens brassèrent beaucoup d’air pour un dernier baroud d’honneur : « Ne tuez pas l’Alsace » pouvait-on lire sur une banderole qu’ils allèrent ensemble déployer à Paris !!! Une formule implorante, pleurnicharde qui n’avait évidemment aucune chance d’intimider Paris qui a toujours traité l’Alsace par le mépris ! Souvenons-nous simplement de ce honteux 26 février 1871 où l’Assemblée nationale avait voté, à une écrasante majorité de 81%, la cession « à perpétuité, en toute souveraineté et propriété » de l’Alsace-Moselle à l’Allemagne. Pour se sauver, la France n’hésita pas alors à sacrifier l’Alsace. Et plus tard, en 1940, quand Hitler procéda à l’annexion de facto de l’Alsace, Vichy ne protesta que très mollement !
C’est ainsi que le 17 décembre 2014, la carte des 13 régions fut définitivement adoptée par 95 voix pour – dont 94 PS -, 56 contre et 11 abstentions. Le sort de l’Alsace était scellé par quelques dizaines de députés socialistes. A cette occasion, on put s’apercevoir de la collusion entre l’UMP et le PS, la plupart des députés UMP n’étant pas venus siéger pour permettre l’adoption du texte par leurs collègues socialistes venus plus nombreux. Petit arrangement entre amis. Cependant, pour la galerie et pour ne pas qu’ils perdent trop la face vis à vis de leurs électeurs alsaciens, on laissa les quelques députés UMP alsaciens présents dans l’hémicycle se livrer à un simulacre de protestation solennelle en séance, sachant qu’ils ne pourraient en rien changer l’issue du scrutin déjà négociée par avance entre l’UMP et le PS ! C’est ainsi qu’on décida de la disparition de l’Alsace sans même que les Alsaciens ne soient consultés : un incroyable déni de démocratie ! Et pendant tout ce temps Philippe Richert était resté silencieux !
Arrivés trop tard dans la bataille, les jeux étant quasiment faits, nos élus UMP rentrèrent à nouveau progressivement dans le rang en ronchonnant… mais tout en commençant à lorgner vers les nouvelles sinécures qu’offrait l’ALCA et que Richert leur faisait déjà miroiter pour emporter leur ralliement.
Et pourtant, tous les recours contre cette fusion n’étaient pas épuisés à ce moment-là et le président de notre Conseil régional ne pouvait être sans le savoir. En effet, selon l’article L.1112-16 du Code Général des Collectivités Territoriales, une pétition signée par 10% des électeurs d’Alsace, soit environ 127 000 électeurs, aurait suffi pour contraindre le Conseil Régional à organiser une consultation par référendum. Or, Philippe Richert n’en a rien fait et s’est tu, sans doute parce qu’il avait déjà fait le choix de l’ALCA. Devant l’inaction de l’exécutif régional, le 5 février 2015, un collectif de citoyens s’intitulant « Alsace retrouve ta voix », s’est alors donné pour mission de réunir les signatures nécessaires. Mais il est hélas bien tard, l’opération devant être clôturée pour le 31 mars.
- Richert tourne définitivement la page de l’Alsace
Rompu au grenouillage, ce qui explique sa longévité politique, à partir de là, il se désintéressa de l’Alsace. Sans attendre, il commença par entamer sa campagne électorale en sillonnant l’ALCA pour nouer des contacts avec les élus et entreprendre des consultations « au sommet » avec ses 2 homologues de Lorraine et de Champagne-Ardenne… tout en continuant de fustiger les manifestants alsaciens qui continuaient de s’opposer à la fusion, contrariant par là ses projets personnels ! Le massacre de Charlie Hebdo et l’émotion qui s’empara alors des masses mirent fin aux manifestations.
Malin, pour emporter l’investiture, Philippe Richert organisa encore début février une espèce « d’appel à l’homme providentiel » de la part des 22 parlementaires et grands élus alsaciens de droite. Ceux-ci, y compris ceux qui l’avaient critiqués vertement et traités de « narcisse » peu avant, l’assuraient maintenant de leur « soutien indéfectible », tout en énumérant ses innombrables qualités : « Il a acquis compétence et expérience (…) c’est le candidat naturel et légitime pour diriger la nouvelle région », écriront-ils[3]. Et la manœuvre fut impeccablement menée car quelques jours plus tard, le 5 février 2014, la Commission nationale des investitures de l’UMP lui confiera la responsabilité de conduire la liste UMP aux régionales. Parmi les élus UMP, ceux restés fermement opposés à la réforme territoriale, expliqueront ensuite leur volte-face par cet argument : « Il ne faut pas mettre Richert en difficulté pour ne pas gêner son élection ; c’est aussi risquer de faire le jeu du PS ou du FN ». Tiens donc ! A l’évidence, pour eux, l’intérêt du parti prime sur tout le reste… même sur l’Alsace !
C’est ainsi que, sans aucun état d’âme et sans honte aucune, Philippe Richert tourna la page de l’Alsace pour aller butiner à d’autres fleurs et construire son avenir politique ailleurs… plus près de Paris. A l’instar d’un bateleur de foire, dorénavant il n’aura pas assez de mots pour vanter les « grandes opportunités » et l’avenir radieux que nous offrira l’ALCA : « Notre axe sera de faire de cette grande région, la région experte sur la coopération transfrontalière, nous serons la région « cœur d’Europe », à l’articulation entre les deux piliers de la construction européenne »[4] ! S’il est élu à la présidence, il se fait fort de mener la construction de cette nouvelle région : « Je me sens coresponsable de ce territoire (ALCA), on va le construire avec tous les autres, d’ailleurs il y a des points communs entre nos trois Régions ne serait-ce que dans le domaine des pôles de compétences. Ce qu’il faut, c’est donner à ce grand territoire une lisibilité tant politique qu’administrative et aussi fonctionnelle », déclara-t-il dans l’Ami Hebdo[5]. Moi je Président… ! Le Grand Est a subitement pris sens pour lui, l’Alsace beaucoup moins, c’est déjà du passé. Non, décidemment la Heimet ne lui parle pas à cet homme là, elle ne fait pas vibrer son cœur ! Ce qui lui importe à présent, c’est d’entrer dans l’histoire comme le premier président de l’ALCA… et non d’y rester seulement comme le dernier président de l’Alsace.
- Après un tel échec, leur crédibilité est anéantie.
Suite à toutes ses trahisons au profit de sa carrière politique, osera-t-il encore venir en Alsace dans quelques mois faire campagne pour nous vendre la méga-région Est ? Son ambition et sa quête de pouvoir sont tellement fortes, qu’il n’est pas exclu qu’il ait le culot de l’envisager. Mais cette fois, il lui faudra faire preuve de beaucoup, d’énormément de talent pour arriver à berner une nouvelle fois les Alsaciens.
Cependant, conscient que son image de traître alsacien pouvait nuire à sa crédibilité pour briguer la présidence de l’ALCA, il a récemment tenté de se reconstruire une image de patriote alsacien : « Je suis profondément attaché à l’Alsace, à ses particularités et à son identité », a-t-il juré dans l’Ami Hebdo.com du 26 février 2015. Et d’en donner une preuve : « J’ai souhaité que soient organisées les premières Assises de la Langue et de la Culture régionales pour en faire reconnaitre l’actualité et en consolider les pratiques ». Or, qu’écrivait en janvier 2015 l’association Culture et bilinguisme dans sa revue Land un Sproch (N° 192) à propos de ces Assises : « Dans une précédente édition, nous avions écrit, au sujet des Assises : “Et la montagne accoucha d’une souris”. Hélas, plus de 6 mois après la fin des Assises, nous en sommes à nous demander si, au terme de ce difficile accouchement, la montagne n’a pas englouti la souris ». On le voit, le constat est sans appel : une opération poudre aux yeux de plus !
Dans sa réponse à l’Ami Hebdo, Philippe Richert déclarait aussi : « Au-delà du droit local, du Concordat et de notre inscription forte dans un environnement transfrontalier à l’échelle du Rhin Supérieur, c’est une certaine culture de travail particulière que nous avons su développer dans notre territoire où, sur les sujets essentiels, l’écoute et le dialogue priment sur la confrontation politique ». Apparemment, à en croire notre président, le droit local, le concordat, ce n’est pas ce qui prime, donc on peut les brader, ce qui compte c’est « une certaine culture de travail particulière » !
Cependant, la droite alsacienne, qui craint une réaction de rejet des électeurs alsaciens écœurés par les échecs et les retournements de Philippe Richert, continue de faire courir le bruit que si l’UMP venait au pouvoir en 2017, elle œuvrerait au retour de la région Alsace : « Votez pour nous si vous voulez que l’Alsace soit ressuscitée », tel est en substance le message !!! Ils n’ont même pas été capables d’empêcher son enterrement et maintenant ils voudraient la ressusciter ! C’est vraiment prendre les Alsaciens pour des idiots ! De même, comment peut-on envisager un seul instant que Philippe Richert, qui se sera donné tant de mal pour accéder à la présidence de l’ALCA, s’il y parvient, acceptera ensuite d’y renoncer en rétropédalant pour se retrouver à la case départ. Impensable !
Et comment un électeur censé peut-il encore faire confiance à un parti dont les leaders ont montré à ce point leur incapacité à défendre notre région et dont les fautes en cascades ont conduit l’Alsace jusqu’à la disparition ? Peut-on imaginer un bilan plus calamiteux ? Cette classe politique n’est décidément plus crédible, ce n’est pas d’elle que viendra l’indispensable renouveau : « Weg mit dem Ballast » disait Jean Keppi ! Une solution pour en sortir : ne plus voter pour un parti stato-national quel qu’il soit, l’Alsace étant le dernier de leurs soucis !!! Unser Land reste ainsi la seule alternative pour ceux qui sont décidés à continuer la lutte pour la renaissance institutionnelle de l’Alsace sous la forme d’une « collectivité territoriale à statut particulier ».
Notre salut viendra de nous-mêmes, de notre capacité à nous prendre en main, à nous organiser pour entrer démocratiquement en résistance et établir des rapports de force pour contraindre Paris à nous rendre justice en rétablissant la région Alsace, supprimée sans consultation des Alsaciens par un intolérable diktat et en violation de la Charte européenne de l’autonomie locale pourtant signée et ratifiée par la France ! Plus que jamais, pour nous extraire du bourbier de l’ALCA, c‘est l’autonomie qu’il nous faut revendiquer.
Bernard Wittmann – 5.3.2015
[3] DNA 5.2.2015
[4] Rue89-Strasbourg du 7.2.2015
[5] Ami Hebdo 13.2.2015
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