Die Zwillingsbrüder Albert (1874-1930) und Adolphe (1874-1944) Matthis gehören zu den hervorragendsten Dichtern der elsässischen Lyrik.

Les francophones trouveront une version française de ce chef d’oeuvre de la littérature alsacienne ci-dessous.

 

Hitt grattle mer bi Wind un Sturm,

Uff d’Schnecke nuff vum Müenschterdhurm

 

Kaan Kneckes hebbt meh in de Hosse,

Kaan Pflaschter bliet ‘ne an d’r Sohl,

Sie schlaaue ‘s Raedel grad wie gschosse,

‘S isch Daffet un e leid’s Grambol,

Un d’Alde hirze als wie gstoche,

Sie drette hinde nüss, gesch druff,

Un ihri alde, müede Knoche,

Sie nemme’s mit de junge uff,

Wenn’s haisst : im Kinné d’Letscht gebacht,

Jetz d’Baan in d’Haend ‘s isch üssgemacht,

Hitt grattle mer bi Wind un Sturm,

Uff d’Schnecke nuff vum Müenschterdhurm.

 

Fescht am Sââl ghebbt, lüepfe d’Schunke,

Rutscht mer kaaner üss’m Gleis,

Denke nit an d’Schwindelfunke,

‘S koscht e mancher Schobbe Schweiss,

Bis m’r üss d’r katzegröuije

Mür uff d’ Plattform schpanne kann,

Un bis mer de letschte Böije,

Vun d’r Stäij genumme han.

 

Luej wie klaan jetz d’Litt schun schine,

Maansch grad ‘s surrt e’ Dopf im Wuet,

Un bisch dran ‘s ghoert Alles dinne

Wo do drunde zwawwle dhuet,

Un do siesch ererscht dernewe

As aa dü gar wenni bisch,

Un as e’ so Menschelewe,

Nit viel meh as d’Rehgais isch.

 

Sachte jetz dess Eck genumme,

D’Stäij lonn leije rechter Hand,

Drüeckle d’Stirn ab denn mer kumme

In de Durichzuck mitnand,

D’ Leitere nuff bis fascht an d’Schindle,

Zue d’r grosse Glock derno, –

Starik zwanzichdöuisich Pfüendle

Gued gewöije, henkt sie do.

 

Un wie ruej dhuet sie do henke,

Un wie nett isch’s wenn sie litt,

Un was muess sie Alles denke,

Zitter dere lange Zitt,

Viel hett sie do rum sehn draemple,

Viel dervun sin um de Kehr,

Un sie wurd aa lang noch baemple,

Wenn aa ich sie nimmi hoer.

 

Han’r sie jetz recht gemesse,

Sin’r no vum Lueje müed,

Ze haisst ‘s Drinkgeld nitt vergesse

Fur de Waechter wo sie hüet,

Noch e Blick jetz uff’s Mirakel,

Un no wittersch nuff im Drabb,

‘S Fïrlaternel, d’Sturmglockfackel

Wart schunn in d’r Sïdekabb

 

Drowwe dort de Glockeglipfel

Hett e Sperwer schun im Bschlaa,

Un rueft uns vum Müenschterzipfel

Jetz de Morjegruess eraa,

Gsichsch schunn d’erschte Krappeschaiche,

D’Spierle hoersch im Dhurm dort drin,

Dess isch gar kaan letzes Zaiche

As mer jetz ball drowwe sin.

 

D’letscht Portion wart uff’s Verdrucke,

D’letschte Stapfle, ‘s sin noch zwei,

Rutsche drüewwer grad wie d’Mucke,

D’ finscht Baschteet kummt erscht an d’Reih,

‘S haisst noch zweimol d’Füess verstelle,

Leije drei Zoll noch derzue,

Han ‘r d’Wachtschtubb an de Schwelle,

Un aa d’Plattform an de Schueh.

 

Grüewle mer nit üewwer d’Sorje

Jetz do howwe, aldi Friend,

Fur uns spielt jo verlicht morje,

‘S Wetterfaehnel mit’m Wind,

Do fehlt wie im Klooschtergaarde,

D’ Welt mit ihre rüche Doen,

Nur d’r Schaggob mischelt d’Kaarte,

Un d’r Schambediss schlaat Zehn.

 

Genn ‘ne d’Hand de alde Waechter

Denn sie kenne uns, i wett,

Durich zelle grosse Draechter

Han sie schun mit uns geredt,

Gschpanne hen mer do as d’Ohre,

Ihri Wort han uns nit gfrait,

Awwer unseri groeschte Gfohre,

Han sie gsehn un uns gezait.

 

Un dü helfsch ‘ne d’Arweit mache,

Stolz henksch do, un doch wie drey

Dhuesch fur unser Lewe wache,

Aldi Sturmglock, alder pays !

Dü hüetsch d’Stadt un d’alde Müre,

Un wenn i as dich bedraacht,

Denk i d’Sorje lonn versüre,

Uff’m Müenschter henkt jo d’Waacht !

 

D’Fïrladern stellt d’Aue finschter,

Un ‘s root Faehnel glürt un lacht

In de Glockedhurm vum Müenschter,

Ob denn d’Sturmglock nit verwacht ;

Hoersch, de grosse Bimbam bocke,

‘S Ührewerik im Prozess,

D’ Waechter d’Müenschterdüwe locke,

D’ Stund schlaat fur in d’Elfermess.

 

Uff’m Müenschterplaetzel schliche

D’ Litt in d’Kirich ; siesch de Wind

Sachte um de Schlossplatz wiche

Mit’m Sturm, un d’Sunn sie züend

Uns jetz vornedraan am Stecke,

Werzina, dess isch e Fraid,

Sie begleit uns uff d’vier Schnecke,

Un lüepft d’Stadt in’s Sundaakleid.

 

Aldi Stadt ! dü schoener Wabbe !

Symbol blenkel stolz in d’ Welt !

Un hebb d’Sprooch wo in de Kabbe

D’ Alde uns han annegstellt ;

Isere Mann, sprenz dü de Gaarde,

No schlaat aa d’r Sood gued üss,

Dinni Blueme, d’rüch un zarte,

Basse in de grosse Schtrüss.

 

Vor uns steht d’r Bluemewase,

Manchi isch schun newes nüss,

‘S leijt schun manchi underem Raase,

Bim Sant Gallemaettel drüss,

Aa uff uns wart dort d’r Scherwe,

Uns aa steht dort ‘s Dhoerel uff,

‘S kummt e Zitt ze grattle mier aa –

Nimmi uff d’vier Schnecke nuff.

 

Albert MATTHIS

1900

 

Traduction de Raymond Matzen parue dans Saisons d’Alsace n°53 p.160

Je la fournis ici à titre indicatif pour les non-germanophones, car de l’aveu même de Raymond Matzen, elle n’est « qu’un pâle reflet de l’original ».

 

Aujourd’hui, malgré les rafales de vent,

Nous allons grimper aux tourelles de la cathédrale

 

Il n’est pas un gamin qui tienne dans sa peau,

Pas une de leurs semelles que les pavés retiennent ;

Ivres de joie, ils font la roue comme des fous.

Quelle allégresse exubérante, quel vacarme assourdissant !

Les anciens, eux aussi, courent comme s’ils étaient piqués,

Ils piaffent et ruent, de quoi vous laisser tout pantois ;

Malgré le poids des années, leurs os pourtant las

Se mesurent encore avec ceux des jeunes

Quand il s’agit, au jeu du bâtonnet, de donner le dernier coup…

Et maintenant, mes amis, faisons appel à nos jambes, car c’est décidé :

Aujourd’hui, malgré les rafales de vent,

Nous allons grimper aux quatre tourelles de la cathédrale.

 

Approchez-vous à la tire-veilles, levez les quilles !

Que personne surtout ne sorte des rails !

Que personne ne s’avise d’avoir des vertiges !

Il en coûtera une bonne trempée de sueur

Avant que nous entrevoyions la plate-forme

Par une ouverture de ces murs gris souris

Et que nous ayons pris le dernier tournant

De cet interminable escalier en colimaçon.

 

Oh ! comme les gens en bas paraissent déjà petits !

On dirait que ce sont des toupies en délire,

On a l’impression que tout ce qui s’agite ainsi

Sous nos pieds nous appartient en propre,

Et si on se compare à tout cela, on comprend enfin

Que nous aussi, nous sommes bien peu de choses

Et qu’un être humain, au fond,

N’est guère plus qu’une simple toupie.

 

Ouvrons l’œil maintenant pour tourner ce coin

Et laissons l’escalier à main droite.

Essuyons-nous le front, car nous arrivons

A un endroit où soufflent des vents coulis.

Prenons l’échelle, montons jusque sous les bardeaux

Pour atteindre ensuite le gros bourdon.

Quelque vingt mille livres d’airain,

Bien comptées, sont suspendues là-haut.

 

Oh ! comme il est tranquille là-haut !

Et quel plaisir de l’entendre sonner !

Depuis tant et tant d’années qu’il est attaché là,

Que de choses, mon Dieu ! il doit penser !

Que de gens n’a-t-il pas vus passer près de lui

Dont beaucoup s’en sont déjà allés

Et il continuera de balbutier longtemps encore

Même quand moi non plus je ne l’entendrai plus.

 

Maintenant que vous l’avez mesuré des yeux

Et que vous êtes certainement las de le voir,

N’oubliez pas de donner un petit pourboire

Au gardien qui veille sur ce colosse.

Allons, un dernier salut à cette merveille !

Nous voulons poursuivre au trot l’ascencion,

Car déjà la lanterne d’alarme, flambeau du tocsin,

Nous attend dans sa housse de soie.

 

Là-bas, sur le battant de la cloche,

Un épervier s’est déjà installé,

Le voilà maintenant qui nous souhaite

Le bonjour du haut de la flèche.

On voit déjà les premières bandes de corneilles s’envoler épouvantées,

On entend aussi les martinets, tout en haut du clocher,

Ce n’est pas mauvais signe du tout,

C’est que nous allons arriver au sommet.

 

Encore une tranche à avaler, la dernière,

Les toutes dernières marches, il n’y en a plus que deux :

Enjambez-les avec la légèreté d’une mouche !

C’est maintenant que vient la meilleure bouchée,

Il s’agit de déplacer encore deux fois les pieds,

Ajoutez-y trois pouces, trois seulement,

Et vous foulerez le seuil du poste de garde,

Vous aurez aussi la plate-forme sous les semelles.

 

Maintenant que nous sommes là-haut, mes bons amis,

Ne nous tourmentons pas de soucis !

Il se peut que dès demain la girouette

Tourne sans nous au gré du vent.

Ici, comme dans un jardin de monastère,

On ne perçoit pas les accents rauques du monde.

Il n’y a que Jacob qui mêle les cartes

Et Jean-Baptiste qui sonne les dix heures.

 

Serrez la main à ces deux vieux veilleurs

Qui, il y a gros à parier, nous connaissent :

A l’aide de leur grand porte-voix

Ils se sont déjà adressés à nous.

Nous avons alors tendu l’oreille,

Leurs paroles n’étaient point faites pour nous réjouir :

Les plus grands dangers qui nous ont menacés,

Ce sont eux qui les ont vus et nous les ont signalés.

 

Et toi, vieux bourdon, vieux pays,

Tu les aides bravement dans leur tâche.

Fier et pourtant fidèle et vigilant,

Tu veilles à ton poste sur notre vie,

Tu gardes la ville et ses antiques murs,

Et quand de temps en temps je te contemple,

Je pense : soyons sans crainte et sans soucis,

Là-haut, dans le clocher de la cathédrale, il fait bonne garde.

 

La lanterne d’alarme lance des regards sombres

Et le fanion rouge en souriant lorgne

Dans la cage des cloches de la cathédrale

Pour voir si le bourdon ne se réveille pas…

Voici que la grosse pendule dicte les coups du marteau,

Le mécanisme de la sonnerie s’est mis en branle :

Les gardiens de la tour appellent les pigeons, leurs familiers,

L’horloge convie les fidèles à la messe de onze heures.

 

Sur le parvis de la cathédrale les gens

Se faufilent silencieusement vers le portail ;

On voit le vent, allié à sa tempête,

Contourner sournoisement la Place du Château ;

Quant au soleil, flambant au-dessus de nos têtes,

Il nous escorte vaillamment aux quatre tourelles

Et met à la ville ses habits de dimanche…

Quelle joie, quelle atmosphère de fête !

 

Ô Cité séculaire ! Ô merveilleux emblême !

Resplendis, en symbole, fièrement dans le monde entier

Et conserve la langue que nos aînés portant casquette

Nous ont donnée en exemple !

Et toi, Homme-de-fer, arrose le jardin

Pour que la semence germe bien.

Tes fleurs, les rudes comme les délicates,

Font un bel effet dans le gros bouquet.

 

Quelle grande jardinière là sous nos yeux !

Plus d’un fleur, hélas ! s’y est déjà fanée,

Quelques-unes même reposent déjà sous le gazon

Là-bas, non loin du pré de Saint Gall.

Là-bas, la fosse nous attend, nous aussi,

Là-bas, le portillon s’entrouvrira aussi pour nous,

Et l’heure viendra où nous aussi,

Nous ne grimperons plus aux quatre tourelles.